2005 E. Pereira, P. Glyse: Le pur, l’impur et le secret. Le dopage dans quatre journaux français, 1903-1998

Le dopage dans quatre grands périodiques sportifs français de 1903 aux années soixante (et jusqu’à 1998).
Le secret, le pur et l’impur

Éric Perera et Jacques Gleyse 2005

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In die Untersuchungen flossen folgende Printmedien ein:

L’Auto mit den Ausgaben von 1903 bis 1914.
La Vie au grand air mit den Ausgaben von 1898 bis 1920.
Le Miroir des sports mit den Ausgaben von 1948 bis 1968 und den Ausgaben, die  von 1920 bis 1930 in Archiven zugänglich waren, in diesem Zeitraum gab es Lücken.
L’Équipe mit den Ausgaben von 1946 bis 1998.

ZUSAMMENFASSUNG :
Doping während dreier großer Perioden des französischen Sports von 1903 bis 1998. Das Geheime, das Reine, das Unreine

Die Printmedien sind seit dem 19. Jahrhundert an Prozeduren der sportlichen Leistungssteigerung und leistungsfördernden Mitteln beteiligt. Eine Analyse des Diskurses in Frankreich zeigt ein Umschwenken dieser Diskurse Ende der 50ger Jahre, speziell mit der Affäre Malléjac. Obwohl Leistungshilfen zu diesem Zeitpunkt kein Problem zu sein scheinen, zumindest nicht völlig verurteilt werden bzw. nicht einmal erwähnt wurden, ändert sich der Diskurs plötzlich. Doping wird massiv von Journalisten verdammt und führt zur Einführung einer wahrhaften Polizei bei der Tour de France. Die Theorien der amerikanischen Anthropologin Mary Douglas sowie das Konzept von Geheimnis vs Transparenz können vielleicht zu einem ersten Verständnis dieses komplexen, ja sogar widersprüchlichen Phänomens beitragen. Auf jeden Fall erlauben sie es vom einfachen Verurteilen wegzukommen, um das System in seiner paradoxen Funktionalität zu analysieren.

ABSTRACT :
Doping in four great sportive French News papers from 1903 to the sixties. Secret, purity and impurity (danger)

News papers since the end of the nineteenth century are describing process in sportive performance help or « ergogenics » helps. Analysis of discourses, in France shown that a rupture occurred in that discourses in the turn of 50th, especially with Malléjac affair. The help to performance production seems without major problem or at less is not the object of total reprobation or so far is not evoked before, discourse radically changes at this moment. Strongly doping is object of journalistic reprobation and to installation of a truth police especially in the cyclist Tour de France. Theories of American anthropologist Mary Douglas (Purity and danger) as the concept of secret vs transparence permitted may by to bring a beginning of understanding of that complex, or perhaps « oxymoric » phenomenon, permitted in fact to quit simple value judgement to analyze the system in its paradoxical functionality.


Zitate aus der Einführung des Textes

INDRODUCTION

La détection positive par le laboratoire de recherche de Châtenay-Malabry en août 2005, du septuple vainqueur du Tour de France cycliste, encensé par les médias audio-visuels, Lance Amstrong, montre l’ambiguïté attachée au phénomène du dopage et le rapport schizophrénique entretenu par les médias avec ce phénomène. Le héros sportif est décrit un jour comme un idéal de dépassement et de pureté ascétique par les journalistes sportifs et le lendemain condamné comme tricheur et impur par ces mêmes journalistes.

Effectivement, les pratiques dopantes posent la question du sport aujourd’hui (et sans doute hier) et de nombreux auteurs considèrent qu’au travers de ce phénomène est posé un problème éthique majeur (Noret, 1990 ; Laure, 1995 ; Petitbois, 1998 ; Jennings, 2000 ; Schneider, Hong, Butcher, 2004). C’est au nom de la santé des sportifs de haut niveau comme des amateurs que le doping est stigmatisé.

Dans ce contexte, la communauté médicale apparaît comme étant pratiquement la seule instance capable de définir les limites de cette pratique souvent vue comme un fléau (Yonnet, 1998 ; Brissonneau, 2003). Les risques sanitaires liés au dopage sont de plus en plus souvent divulgués et traités de façon à mettre en garde les athlètes mal avisés (Ducardonnet, Porte, Boulanger, 1995 ; Bourgat, 1999 ; Walder, 1999). Parallèlement, la lutte antidopage tente d’enrayer le phénomène en puisant à la science des moyens toujours plus fiables de détection (Houlihan, 1999 ; Auneau, 2001 ; Mortram, 2003) et en développant tout un arsenal de lois et de règlements de plus en plus contraignants, pas toujours appliqués.

Toutefois, l’homme, depuis des millénaires, est tenté de dépasser ses propres performances naturelles avec l’aide de substances artificielles, dans le but d’aller plus vite, plus loin, plus longtemps mais aussi lors de cérémonies rituelles. Il n’en demeure pas moins que l’histoire du sport recoupe l’histoire du dopage et certains auteurs n’hésitent pas à l’affirmer de manière très argumentée (De Mondénard, 2000 ; Laure, 2004).

De nos jours, le dopage demeure une réalité bien présente dans les esprits. Plus personne ne semble dupe !

Les lois antidopages se sont multipliées depuis une vingtaine d’année alors que la pratique du dopage semble exister, selon la littérature, depuis l’avènement des sports. Pourquoi seulement depuis ce moment ? Comment et sur quels arguments certaines « aides » deviennent problématiques, licites ou illicites ?

C’est en reprenant le discours tenu sur le dopage ou, de façon plus générale, sur les aides ergogéniques dans les articles spécialisés de quatre grands périodiques français de 1898 aux années soixante que nous tenterons de comprendre les déclinaisons du regard porté sur l’utilisation de produits naturels et/ou artificiels. L’occasion est également fournie de dépasser le simple jugement de valeur sur le sujet pour s’orienter vers une perspective historico-anthropologique du sujet.

Notons que le dopage semble devenir une évidence au sortir de la Seconde Guerre mondiale. D’un point de vue historique et anthropologique, la notion d’aides « ergogéniques » est un terme global qui offre la possibilité d’appréhender le phénomène, entre autres, du dopage au cours du xxe siècle sans les jugements de valeur qui y sont généralement associés.

Les médecins du sport considèrent une aide ergogénique comme étant « une procédure ou un agent qui procure à l’athlète un avantage compétitif au-delà de celui obtenu par des méthodes d’entraînement normales » (American coll. of Sports, 1996). Ainsi, ce concept englobe différentes notions telles que les pratiques du dopage ou encore celle de la diététique.

Par conséquent, ce sont les fluctuations du rapport aux différentes formes d’aides ergogéniques qui nous intéressent dans cette étude. L’objectif est avant tout de détecter comment elles se différencient entre elles et sur quels déterminants au cours du xxe siècle en France. Plus précisément, il s’agit de comprendre comment et pourquoi certaines de ces aides ergogéniques ont posé un problème éthique aux journalistes et aux grands journaux sportifs, à un moment donné, pour enfin devenir illicites et finalement illégales.

En ce qui concerne leur parution, le xxe siècle est pratiquement couvert par ces quatre périodiques, d’un point de vue des événements sportifs. Effectivement, les exemplaires du journal L’Auto couvrent la période 1903­1914. La Vie au grand air est diffusée de 1898 à 1920. Le Miroir des sports, quant à lui, est publié au cours de la période allant de 1948 à 1968. Il est aussi paru de 1920 à 1930, mais les exemplaires n’étaient pas tous disponibles ou accessibles dans les archives. Enfin, le journal L’Équipe voit le jour au sortir de la Seconde Guerre mondiale, c’est-à-dire en 1946, et il a été consulté jusqu’en 1998, année de « l’affaire Festina », mais le texte qui suit s’interrompt au moment de plus forte rupture.